Lénine, les paysans, Taylor

Robert Linhart, Lénine, les paysans, Taylor, Le Seuil, 1976 ; rééd. 2010.

Pages 25-26.
Août-septembre-octobre 1917 : dans les campagnes russes les paysans occupent les terres des seigneurs et des riches. Ils interdisent les labours ordonnés par les seigneurs, procèdent eux-mêmes à leurs propres labours, coupent du bois dans la forêt seigneuriale. Parfois les paysans brûlent des fermes, pillent les récoltes. Les soldats désertent la guerre absurde pour participer aux récoltes et aux labours. Et l’on dira que la Révolution d’Octobre fut inspirée par des bolcheviks élitistes, blanquistes, coupés du « vrai » peuple !  Et l’on prétend qu’Octobre fut un « coup d’Etat » urbain perpétré par une minorité ! Ridicule !
Ce fut d’abord un mouvement populaire.
Lénine l’avait prévu dès avril 1917 (Lettres sur la tactique): quand la paysannerie occupera les terres, une nouvelle étape s’ouvrira.
Seuls, Lénine et les bolcheviks ont soutenu la paysannerie. Sans la révolution, les notables auraient massacré les révoltés du village.
Lénine, 29 septembre 17 : on ne peut tolérer que le gouvernement écrase les paysans.

Pages 34-35.
Octobre 17, la révolution a eu lieu. Maintenant les complications : la guerre, les pays européens qui agressent la Russie, surtout la faim.
Lénine et les bolcheviks sont persuadés qu’à la campagne des « spéculateurs » dissimulent d’énormes stocks de grain. C’est inadmissible. Il faut bien que les gens des villes puissent manger. D’où la politique du « communisme de guerre » à partir de janvier 1918. On envoie des commandos ouvriers attaquer les fermes pour dénicher ces fameux stocks.
En réalité ils n’existent pas. C’est un fantasme des urbains et des ouvriers. Les bolcheviks sont bien disposés vis-à-vis des campagnes mais ils n’y connaissent rien. Dès lors, le communisme russe va s’aliéner les masses rurales et à partir de 1929 Staline déclenchera une terreur affreuse pour « moderniser » le pays. La tragédie.
La Révolution de 17 a dû faire dans l’urgence. Pas le temps de réfléchir. Les estomacs sont pressés, ils n’attendent pas. On fonce, on agit, on réfléchira après.
Les bolcheviks deviennent une force extérieure aux villages.

Page 50.
D’autant que certains d’entre eux considèrent les paysans comme des brutes, des demi-singes. Voyez ce qu’écrit le romancier Gorki dans son livre Les paysans russes, paru en 1922. L’homme cultivé est horrifié par le manque de manières des villageois, leur absence de respect pour les œuvres d’art accumulées par les richards.
Dans un échange de lettres, Lénine tente en vain de convaincre Gorki qu’il se trompe, qu’il est élitiste.

Page 62.
Fin 1922, début 1923, Lénine est gravement malade. Dans ses écrits la coupure croissante entre le monde des villes et celui des campagnes l’obsède. Que faire ? Il patauge, il tourne en rond. Il cherche des solutions : développer les écoles primaires, créer des coopératives, multiplier les rencontres entre paysans et ouvriers.