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lycée banlieue culture
24 janvier 2008

Le général de Bollardière

 

le gÉnÉral Jacques de BollardiÈre

 

Source : site internet de la Ligue des droits de l’homme, section de Toulon.

siteon0

 

 

Jacques de Bollardière est le seul officier supérieur à avoir condamné la torture pendant la guerre d’Algérie. En 1957, il dénonce "certains procédés" en vigueur dans la recherche du renseignement en Algérie. Sa prise de position publique lui vaut une sanction de soixante jours d’arrêt.

 

 

Biographie


Jacques Paris de Bollardière est né le 16 décembre 1907. Il sort de Saint-Cyr en 1930. En 1939, il est lieutenant à la Légion Étrangère dans le Sud marocain ; il reçoit le baptême du feu à Narvick.

Résistant, il rejoint l’Angleterre en juin 1940, et participe aux combats des F.F.L. En avril 1944, il commande une mission dans le maquis des Ardennes. Il a été le soldat le plus décoré de la France libre : grand officier de la Légion d’honneur, compagnon de la Libération, deux fois décoré du DSO (Distinguished Service Order )...

Après un commandement en Indochine, il est instructeur à l’École de Guerre. En 1956, il est muté en Algérie et nommé général.

Jacques de Bollardière tente de dénoncer "certains procédés" en vigueur dans la recherche du renseignement. En mars 1957, il demande à être relevé de son commandement en Algérie. Au même moment, Jean-Jacques Servan-Schreiber, redevenu directeur de l’Express, est inculpé d’atteinte au moral de l’armée pour avoir publié plusieurs articles relatant son expérience algérienne et dénonçant l’attitude du gouvernement. Il demande à son ancien chef, de Bollardière, de lui écrire une lettre de soutien ; celle-ci parut dans l’Express du 29 mars 1957 :

 

Document 1

 

Le 21 mars 1957


Mon cher Servan-Schreiber,

Vous me demandez si j’estime que les articles publiés dans « L’Express », sous votre signature, sont de nature à porter atteinte au moral de l’Armée et à la déshonorer aux yeux de l’opinion publique.

Vous avez servi pendant six mois sous mes ordres en Algérie avec un souci évident de nous aider à dégager, par une vue sincère et objective des réalités, des règles d’action à la fois efficaces et dignes de notre Pays et de son Armée.

Je pense qu’il était hautement souhaitable qu’après avoir vécu notre action et partagé nos efforts, vous fassiez votre métier de journaliste en soulignant à l’opinion publique les aspects dramatiques de la guerre révolutionnaire à laquelle nous faisons face, et l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui seules ont fait jusqu’à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre Armée.

Je vous envoie l’assurance de mon estime ...

 

Sa lettre fit grand bruit et lui vaut, le 15 avril, une sanction de soixante jours d’arrêt. Il est mis à l’écart, nommé en Afrique centrale puis en Allemagne.

Le putsch d’Alger d’avril 1961 l’amène, à 53 ans, à prendre une retraite prématurée : "le putsch militaire d’Alger me détermine à quitter une armée qui se dresse contre le pays. Il ne pouvait être question pour moi de devenir le complice d’une aventure totalitaire".

Il s’occupe alors de formation professionnelle des adultes. Quelques années plus tard, il est l’un des fondateurs du Mouvement pour une Alternative non-violente et publie en 1972 : Bataille d’Alger, bataille de l’homme.

Jacques de Bollardière s’est toujours référé à son éthique chrétienne pour affirmer le devoir de chacun de respecter la dignité de l’autre.


Il écrit : "La guerre n’est qu’une dangereuse maladie d’une humanité infantile qui cherche douloureusement sa voie. La torture, ce dialogue dans l’horreur, n’est que l’envers affreux de la communication fraternelle. Elle dégrade celui qui l’inflige plus encore que celui qui la subit. Céder à la violence et à la torture, c’est, par impuissance à croire en l’homme, renoncer à construire un monde plus humain."

 

Document 2 : L’inacceptable1 

 

« Vers le début de janvier 1957, tout s’accéléra soudain et devint menaçant. Une violente poussée de terrorisme plonge Alger et sa région dans la fièvre. Pour faire face à la situation on met en place une nouvelle organisation de commandement dans laquelle mon secteur se trouve englobé. Le général Massu, commandant la 10ème Division parachutiste, en est le chef. Les pouvoirs civils abandonnent entre ses mains la totalité des pouvoirs de police qu’il décentralise aussitôt jusqu’au dernier échelon de la hiérarchie dans la division parachutiste. [...]

Des directives me parviennent, disant clairement de prendre comme premier critère l’efficacité et de faire passer en priorité les opérations policières avant toute pacification. Des femmes musulmanes atterrées, viennent m’informer en pleurant que leurs fils, leur mari, ont disparu dans la nuit, arrêtés sans explication par des soldats brutaux en tenue camouflée et béret de parachutistes. [...]

Quelques heures plus tard, je reçois directement l’ordre de faire exécuter immédiatement par mes troupes une fouille de toutes les mosquées du secteur pour y chercher des dépôts d’armes. Je refuse d’exécuter cet ordre reçu dans des conditions irrégulières et que je juge scandaleuses ; j’estime de plus qu’une telle provocation risque de ruiner les efforts de plusieurs mois. Je demande alors à être reçu par le général Massu.

J’entre dans son vaste bureau [...] Je lui dis que ses directives sont en opposition absolue avec le respect de l’homme qui fait le fondement même de ma vie et que je me refuse à en assumer la responsabilité.

Je ne peux accepter son système qui conduira pratiquement à conférer aux parachutistes, jusqu’au dernier échelon, le droit de vie et de mort sur chaque homme et chaque femme, français ou musulman, dans la région d’Alger...

J’affirme que s’il accepte le principe scandaleux de l’application d’une torture, naïvement considérée comme limitée et contrôlée, il va briser les vannes qui contiennent encore difficilement les instincts les plus vils et laisser déferler un flot de boue et de sang...

Je lui demande ce que signifierait pour lui une victoire pour laquelle nous aurions touché le fond de la pire détresse, de la plus désespérante défaite, celle de l’homme qui renonce à être humain.

Massu m’oppose avec son assurance monolithique les notions d’efficacité immédiate, de protection à n’importe quel prix de vies innocentes et menacées. Pour lui, la rapidité dans l’action doit passer par-dessus tous les principes et tous les scrupules. Il maintient formellement l’esprit de ses directives, et confirme son choix, pour le moment, de la priorité absolue à ce qu’il appelle des opérations de police.

Je lui dis qu’il va compromettre pour toujours, au bénéfice de la haine, l’avenir de la communauté française en Algérie et que pour moi la vie n’aurait plus de sens si je me pliais à ses vues. Je le quitte brusquement.

En sortant de chez lui, j’envoie au général commandant en chef (1) une lettre lui demandant de me remettre sans délai en France à la disposition du secrétaire d’État à la Guerre.

Un faible espoir m’anime encore. Le général Massu n’est pas au niveau de commandement où se conçoit une politique et où se décide l’emploi des forces armées.

Je demande l’audience du Général commandant en chef2 et du ministre résidant3. Je leur parle d’homme à homme et sors de leur bureau tragiquement déçu. J’ai le coeur serré d’angoisse en pensant à l’Algérie, à l’Armée et à la France. Un choix conscient et monstrueux a été fait. J’en ai acquis l’affreuse certitude.

Le lendemain, je prends un avion pour Nantes où m’attend ma famille. »


Le général de Bollardière est le seul officier supérieur n’ayant pas été réintégré dans ses droits à la suite de la loi de réhabilitation de novembre 1982.

 

[1] Jacques de Bollardière, Bataille d’Alger, bataille de l’homme, éd. Desclée de Brouwer 1972.

[2] Raoul Salan.

[3] Robert Lacoste. 

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Commentaires
N
D"une il avait une certaine vision de l"humanité et de 2 il était visionnaire concernant l'avenir de la communauté française en afrique du nord...tres bon article!
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