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lycée banlieue culture
13 décembre 2007

Le voile dit "islamique"

Réflexions sur le voile pseudo islamique dans le Mantois (Yvelines)

Vers 1996-2006

Les filles voilées seraient-elles manipulées par des extrémistes ?

Le danger existe probablement, mais il ne faut pas le surestimer. La plupart du temps, les élèves d’origine musulmane condamnent avec force les attentats et les assassinats commis par le GIA. « Monsieur, ces assassins ne sont pas de vrais musulmans ; l’Islam, ce n’est pas tuer ».

Je pense aussi à cette élève voilée qui a montré de l’enthousiasme pour la révolution française et a condamné la tyrannie napoléonienne. Dans un devoir elle écrit : « La justice de Robespierre est trop sévère. La terreur ne maintient pas toujours un pays en paix. Au contraire, les révoltes se multiplient jusqu’à ce que le dictateur soit renversé. La terreur n’est pas toujours la solution de la paix ». Une autre fille pas voilée mais qui porte un large bandeau parle du « génocide » des chrétiens par Rome. D’autres jeunes filles sont tout à fait claires sur le caractère intolérable de la Shoah. Tout cela n’est-il pas une belle prise de conscience de la supériorité des valeurs démocratiques ? Les valeurs des droits de l’homme les imprègnent plus qu’on ne le croit.

Les intégristes sont minoritaires. Mais les ultra-laïcs se croient encore à l’époque de Jules Ferry qui combattait une Eglise catholique réactionnaire.

Je ne dis pas qu’il n’y a aucun problème.

La preuve, c’est qu’une élève mécontente de sa note, m’a un jour qualifié de « païen » (ce que je trouve rigolo). Les profs d’H G savent bien que faire cours sur Israël et les problèmes du Proche-Orient peut se révéler délicat lorsqu’on a en face de soi quelques élèves qui se tortillent sur leur chaise chaque fois qu’ils entendent le mot Israël et qui pour se protéger invoquent sans arrêt la magie du mot Palestine.

D’autre part, il est certain qu’une forte différence existe entre la laïcité à la française et des jeunes filles voilées pour qui ce mot de laïcité n’a aucun sens : « mais pourquoi devrais-je avoir honte d’être croyante ? pourquoi devrais-je le cacher comme si c’était une activité honteuse ? » se demandent-elles avec raison.

Comment agir ?

L’interdiction du voile me semble peu efficace. Ce n’est pas une question de libéralisme : peut-on tolérer n’importe quoi ? Sûrement pas.

Le fond de l’affaire tient au fait que les républicains considèrent l’école comme un espace magique, un lieu sacro-saint où les particularités devaient devenir invisibles pour pouvoir établir le respect d’autrui. « L’école de la République, par ailleurs, n’a pas à reconnaître comme telles les différences sous peine d’ouvrir son espace aux conflits », Henri Pena-Ruiz, Le Monde de l’éducation, n° 270, mai 1999. Il y a un siècle, vu le caractère conflictuel de l’histoire politique française du XIXe siècle (époque où la droite combattait contre la démocratie) peut-être était-il nécessaire de transformer les écoles en des sortes de monastères cerclés de murailles. Dans une certaine mesure cette stratégie paranoïaque a pacifié l’existence des Français. Cette clôture de l’espace public a présenté un barrage aux tentatives des royalistes et des traditionalistes catholiques de reprendre le pouvoir. Mais les temps changent et le danger n’est plus aussi important.   

Quand j’ai fais cours sur le christianisme, les élèves chrétiens et musulmans discutaient en comparant le rôle de Jésus et celui du Prophète. « Ah bon, vous aussi dans le Coran vous parlez de Jésus ? Sans blague ? Mais si, bien sûr... Mais on ne le présente pas comme vous » et patati et patata.

Ces élèves avaient spontanément trouvé la meilleure façon de pratiquer la laïcité : non pas le gommage des différences (ça ne marche jamais), mais l’oecuménisme (en quelque sorte).   

"Bannir le foulard serait comme interdire le crucifix ou la kippa. On porte ces symboles afin de témoigner et non pas pour faire du prosélytisme. En éliminant le pluralisme des croyances et des opinions des salles de classe, on n’obtient pas la neutralité, mais la stérilité" ». Die Zeit (mars 1997) cité par Alain Boyer, L’Islam en France, Politique d’aujourd’hui, p. 171.

Il y a plusieurs façons de lutter contre le voile. Aucune n’est bonne ou mauvaise de manière absolue.

Si vous imposez un règlement qui tombe d’en haut, vous ne fabriquerez pas de bons citoyens. Car la démocratie c’est le débat entre personnes différentes. La discussion est une libération. Elle fabrique des germes d’évolutions. Apprenons à nos élèves à se méfier d’eux-mêmes, de l’ivresse des discussions passionnées, des invectives, des idées reçues, des conclusions trop rapides, des affirmations péremptoires. Apprenons-leur à écouter ceux qui ne pensent pas comme eux, à essayer d’entrer dans leur raisonnement, à être ni intolérants ni sectaires. Qu’ils acquièrent le réflexe consistant à obtenir des renseignements précis et vérifiés. Apprenons-leur à accepter des demi-mesures.

La démocratie c’est le compromis permanent.

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