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lycée banlieue culture
20 avril 2011

interdiction du niqab: un article américain

Sur l’interdiction du niqab dans les lieux publics,

Un article d'un journal américain.


Deux nouveaux crimes français


Ronald Sokol

The International Herald Tribune. 2 avril 2011

Traduction approximative

Texte anglais ensuite

Mon opinion personnelle à la fin

 

 

Le 11 avril, la République française donnera naissance à deux nouvelles infractions : avoir le visage caché en public et encourager quelqu’un à cacher son visage. Le 2 mars, le premier ministre a envoyé une circulaire à la tête de chacune des directions régionales pour expliquer les raisons de la nouvelle loi. "La République française, a-t-il proclamé, « ne tolère pas de visage caché. »

 

Alors que le président français a clairement fait savoir que les femmes musulmanes qui cachent leurs visages ne sont pas les bienvenues, la nouvelle loi ne se limite pas aux musulmans. Pour le gouvernement français "cacher son visage nuit aux besoins minimaux de la vie sociale. "

 

Donc, cacher son visage en public deviendra un délit, d'une amende de 150 € et / ou d’une formation civique afin d’enseigner au criminel la nécessité de montrer son visage. Le procureur doit prouver que (a) le visage était caché et (b) que la personne était dans un espace public. Il n'a pas à démontrer l'intention de violer la loi. Si l'on encourage quelqu’un d’autre à cacher son visage, on risque un an de prison et une amende de 30 000 €, deux ans et une amende de 60 000 € si la personne encouragée a moins de18 ans.

 

Ce sujet pourrait faire sourire. Pourtant, si la trivialité de la loi est évidente, le trivial, comme Holmes le déclarait à Watson, détient souvent la clé d'un problème plus profond. Même si elle se veut neutre, la nouvelle loi vise clairement le peu de femmes musulmanes portant le niqab. Son raisonnement est que les femmes qui cachent leur visage portent un signe d'infériorité « incompatible avec les principes de la liberté, l'égalité et la dignité de l'homme affirmé par la République française », selon la circulaire du Premier ministre.

 

Il y a des failles inquiétantes dans cette logique. Mis à part le fait qu'il n'est pas dit clairement pourquoi forcer une femme à montrer son visage la fera se sentir plus égale, la loi viole un principe qui sous-tend toutes les lois d’une société libre.

 

 « Un homme libre», écrit Thomas Hobbes au 17ème siècle, n’est pas empêché de faire ce qu'il veut. » Bien sûr, personne n’est jamais entièrement libre d'agir comme il veut. Les lois imposent régulièrement des restrictions, mais dans une société libre l'État empêche un homme de faire ce qu’il veut pour des raisons de sécurité publique, de sûreté ou de santé. Dans une société libre, l'individu ne doit pas être écrasé par l'opinion majoritaire. Une société libre permet la pleine expression de l'individualité, même excentrique.

 

Les tatouages, piercing et une myriade de pratiques peuvent offenser les autres, mais si cela ne présente aucun danger pour la sécurité publique, la sûreté ou la santé, cela ne devrait pas être interdit. Ni le président français, ni les législateurs français n’ont suggéré que la sécurité publique est la raison sous-jacente de la nouvelle la loi, pas plus que la police française ne sortira la preuve que les femmes portant le niqab constituent une menace pour la sécurité publique.

 

Le plus grand défenseur de la protection des individus contre l'opinion majoritaire fut John Stuart Mill. Son court essai « Sur la liberté », publié en 1859, expose lucidement les quelques axiomes qui définissent la liberté : chaque personne est le meilleur juge de son propre bonheur. Ce n'est pas l'affaire de l'Etat que de dire aux gens comment être heureux. Les gens ont besoin non de respecter les opinions des autres, mais de tolérer leur conduite dans la mesure où ce comportement ne nuit pas à autrui. « La seule raison légitime - écrit Mill - que puisse avoir une communauté civilisée pour user de la force contre un de ses membres est de l'empêcher de nuire aux autres. Son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une raison suffisante. »

 

La nouvelle loi française n’est pas en accord avec ces principes, et Mill aurait sans doute considéré comme un nouveau crime, l'oppression d'une minorité dont le comportement est jugé excentrique par la majorité.

Les axiomes de Mill constituent le fondement de ce que nous entendons par société libre. Les quelques femmes qui cachent leur visage ne présentent aucun danger public et les punir viole un principe fondamental de la vie dans une société libre.

 

Texte original en anglais

 

TWO NEW FRENCH CRIMES

 

By RONALD SOKOL

 

On April 11th the French Republic will give birth to two new crimes: hiding one’s face in public and encouraging another to hide her face. On March 2nd the prime minister sent a circular to the head of each of France’s regional departments to explain the rationale of the new law. “The French Republic,” he proclaimed, “does not live with a hidden face.”

 

While the French president has made it clear that Muslim women who hide their faces are not welcome in France, the new law is not limited to Muslims. For the French government now believes that “to hide the face breaches minimal needs of social life.”

 

So on April 11th hiding one’s face in public will become a misdemeanor, with a €150 fine and/or civic training to teach the criminal the need to show her face. The prosecutor must prove that (a) the face was hidden and (b) the person was in a public space. He need not show intent to violate the law. If one encourages another to hide her face, one risks a year in prison and a €30,000 fine, two years and a €60,000 fine if the person encouraged is under 18.

 

The whole matter could be taken as farcical. Yet if the triviality of the law is evident, the trivial, as Holmes told Watson, often holds the key to a deeper problem. Even though it is drafted as gender neutral, the new law clearly targets the few Muslim women who wear the niqab. Its rationale is that women who hide their faces wear a badge of inferiority that is “incompatible with the principles of liberty, equality and human dignity affirmed by the French Republic,” according to the prime minister’s circular.

 

Disquieting flaws exist in this rationale. Putting aside the fact that it is by no means clear why forcing a woman to show her face will make her feel more equal, the law violates a premise that underpins all law in a free society.


“A free man,” as Thomas Hobbes wrote in the 17th century, “is he that ... is not hindered to do what he has a will to.” Of course no one is free to act however he wishes. Laws regularly impose restrictions, but in a free society the state hinders a man from what he hath the will to do for reasons of public security, safety or health. In a free society the individual should not be crushed by the weight of majority opinion. A free society allows full expression of individuality, even of eccentricity.

 

Veils may offend some, as tattoos, piercing and a myriad of practices may offend others, but if they pose no danger to public security, safety or health, they should not be forbidden. Neither the French president nor French legislators have suggested that public security is the rationale underlying the new law; nor have the French police come forth with evidence that women who wear the niqab pose a threat to public security.


The greatest exponent for protection of the individual from the weight of majority opinion was John Stuart Mill. His short essay “On Liberty,” published in 1859, lucidly exposed the few axioms that define liberty: Each person is the best judge of his or her own happiness. It is not the business of the state to tell people how to be happy. People need not respect the views of others, but must tolerate conduct to the extent that the conduct does not harm others. “The only purpose,” Mill wrote, “for which power can be rightfully exercised over any member of a civilized community, against his will, is to prevent harm to others. His own good, either physical or moral, is not a sufficient warrant.”

 

The new French law does not mesh well with those principles, and Mill would no doubt have declared the new crimes as oppression of a minority whose behavior, seen through the eyes of a majority, is deemed eccentric. Mill’s axioms form the foundation of what we mean by a free society. Punishing a few women who want to hide their faces in public when their conduct presents no danger to the public violates a basic tenet of life in a free society.

 

Ronald Sokol is a lawyer in Aix-en-Provence, France. He taught at the University of Virginia Law School and is the author of “Justice after Darwin.”

 

 

 

Commentaire personnel de l’auteur du blog

 

Une lettre me demande ce que je pense du texte. Voici ma réponse.

C'est un texte typique des mentalités américaines, dont nous pourrions nous inspirer :

- Une méfiance vis-à-vis de l’Etat central, de ses lois, de ses règlements, de ses interventions. En France au contraire, nous surestimons le côté administratif des choses, nous sommes amoureux de l’Etat centralisé (cela date de la monarchie capétienne) et nous nous faisons beaucoup d’illusions sur le pouvoir rédempteur du Bulletin Officiel de la République.

- Les Américains sont laïcs dans ce sens que l’Etat ne reconnaît aucune Eglise, aucune foi précise. Par contre, ils reconnaissent l’existence d’un Dieu commun à toutes les confessions, vague, flou  et indéfinissable.

En France au contraire, la laïcité est devenue une maladie. Elle se justifiait entièrement avant la guerre de 1914, époque où il fallait combattre une Eglise catholique arrogante et réactionnaire, hostile aux Droits de l’Homme, à la liberté, à la démocratie, favorable à la cause des rois et des nobles.

Mais depuis la guerre de 1914, ce conflit est réglé, et d’ailleurs aujourd’hui l’Eglise en tant que structure a quasiment disparu. L’Eglise ne présente plus aucun danger. Aujourd’hui la laïcité devient un racisme anti-arabe, une résurgence ringarde de l’esprit colonial. La laïcité est l’argument de l’extrême-droite lepéniste et chevènementiste. Cette laïcité hypocrite divise les milieux populaires, accroît les inégalités sociales et nous fait glisser vers un régime autoritaire, une sorte de néo-pétainisme.

Si on veut défendre les femmes (refuser les mariages arrangés, liberté de la contraception et de l’avortement, liberté de la vie amoureuse…) il ne faut pas passer par la loi. Il faut mettre fin à cette orgie législativo-maniaque qui amène « nos » parlementaires à faire une loi chaque fois qu’un fait divers ou qu’un reportage télévisé excite l’émotivité générale. La loi ne doit pas devenir une campagne de « com’ » au service des nationalistes et des racistes.

Au lieu de faire des lois il faut préférer l’action des associations locales.

 

La France souffre d’un excès de laïcité

 

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