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lycée banlieue culture
6 mai 2013

Conseils d'un inspecteur 1908

L'ÉCOLE NOUVELLE     
Revue hebdomadaire de l’Enseignement primaire
1er février 1908
Page 243

Réflexions et conseils d’un membre de la commission de classement des directeurs parisiens

[…]

Toutes les leçons que nous avons entendues avaient été préparées ; les candidats avaient conscience d'avoir apporté à ce travail le meilleur d'eux-mêmes. Quelques-uns, pourtant, ont été un peu surpris lorsque je leur ai fait observer qu'il y manquait une chose essentielle, leur critique personnelle, quotidienne, sincère et sévère. L'un d'eux objecta que dans la préparation de sa classe il s'inspirait de la critique de son inspecteur. C'est bien. Ceux qui n'ont point Ia pensée superbe, ceux qui sont restés doux et humbles de coeur peuvent, en effet, tirer parti de la critique de leur chef ; mais cette critique se produit une fois par an, dans les bonnes années ; ce n'est pas assez. Il faut, pour grandir en sagesse, pour acquérir l'expérience, pour se perfectionner dans son art, se recueillir après le travail de la journée, examiner ce travail, au fond et dans la forme, et en fixer la critique.

N’arrive-t-il pas que tel instituteur de quarante ans fasse aujourd'hui telle leçon comme il la faisait à ses débuts dans la carrière ? A quoi lui a-t-il servi de vieillir ?

II me serait impossible d'indiquer dans le détail, les exercices auxquels nous avons assisté. Je voudrais, cependant, prévenir les maîtres contre certaines fautes dans lesquelles ils tombent assez souvent. Ils ne savent pas toujours conserver à une leçon son caractère : elle devient, sans qu'ils y prennent garde, l'occasion d'une leçon à côté. Ils ne redoutent pas assez l'abstrait et se laissent facilement aller à la digression. Puis, dans l'ardeur de leur zèle, ils exigent des enfants une allure trop précipitée. Le programme les pousse, disent-ils. Non, aller lentement, veiller à ce que l'esprit de l'enfant passe par toute la série des déductions, c'est gagner du temps, c'est construire avec solidité. Et, par conséquent, dominer le programme. J'ajouterai encore que si, en général, les leçons sont bien faites, le résultat n'en est pas très rigoureusement contrôlé. La conséquence de cette négligence est que l'enfant ne prend pas l'habitude de l'effort, et que la parole du maître ne le pénètre pas.

Je ne veux pas insister davantage, mais, au risque de paraître un peu pédant, je me permettrai de donner aux futurs candidats quelques conseils rapides :

Ne vous croyez jamais quittes envers vous et vos élèves ; travaillez sans cesse, pour vous et pour eux : on doit toujours apprendre : lisez, prenez des notes, vérifiez-les ; réfléchissez aux difficultés de l'école, et connaissez les enfants. L'un de vous, directeur en herbe, étudie sa classe avec tant de complaisance et de perspicacité qu'il a su définir la nature intellectuelle et morale de tous ses élèves, ainsi que leur constitution physique. Il recueille ses observations sur un petit carnet que je n'ai pu parcourir sans émotion. Apercevez-vous avec quelle sûreté il peut doser son action éducative ? Cependant, ne vous confinez pas trop dans le cadre de la pédagogie ; étendez avec sagesse le cercle de vos lectures ; vivez un peu dans le commerce des grands écrivains qui sont l'honneur des lettres françaises ; suivez le mouvement littéraire et artistique qui traduit l'évolution de la pensée humaine: élevez toujours votre esprit et votre goût. Ce sera profit pour vous et vos enfants. Et soyez sûrs que cela paraîtra le jour où vous serez appelés à causer devant la Commission de classement. Enfin, ne vous découragez jamais : un échec n'est pas un coup d'épée ; au contraire, il trempe la volonté et contribue puissamment à former l'homme. […]

E. Hamon
Inspecteur primaire à Paris.

 

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