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lycée banlieue culture
6 février 2012

Discours de l'empereur Claude

LES GAULOIS DOIVENT-ILS DEVENIR SENATEURS ?

Le discours de l'empereur Claude ou Table claudienne

date : 48 apr. J.-C.


Texte

Les principaux habitants de la Gaule Chevelue, qui depuis longtemps avaient obtenu des traités et le droit de cité romaine, réclamaient le droit de parvenir aux honneurs à Rome.
Cette demande souleva beaucoup de bruit. On soutenait que l'Italie n'était pas assez malade pour ne pouvoir fournir un sénat à sa capitale. « Les seuls Romains y avaient suffi jadis ; et certes on n'avait pas à rougir de l'ancienne république; on citait même encore les exemples capables de pousser à la vertu et à la gloire, et qu'avait donnés dans le temps le caractère romain. N'était-ce pas assez que Vénètes et Insubres eussent fait irruption dans le sénat, si l'on n'y faisait entrer en quelque sorte la captivité avec cette foule d'étrangers ? A quels honneurs pourraient désormais prétendre ce qui restait de nobles ? Ils allaient tout envahir, ces riches, dont les aïeuls et les bisaïeuls, à la tête de peuplades ennemies, avaient battu et massacré nos légions, bloqué le divin Jules à Alésia. Récents étaient ces faits : que serait-ce si l'on voulait parler des Gaulois qui du Capitole et de la citadelle avaient voulu enlever les dépouilles offertes aux dieux ? Qu'ils jouissent du nom de citoyens, soit; les insignes des sénateurs, les ornements des magistratures, qu'ils ne fussent pas prostitués. »

Mes ancêtres, dont le plus ancien, Clausus, né parmi les Sabins, fut admis au droit de cité romaine et parmi les familles patriciennes, m'exhortent à suivre la même politique générale en transportant ici tout ce qu'il y a d'illustre dans les autres pays. Je n'ignore pas qu'Albe nous a donné les Jules, Tusculum les Porcius et, sans remonter si haut, que l'Étrurie, la Lucanie, l'Italie entière ont fourni des sénateurs. Enfin, en reculant jusqu'aux Alpes les bornes de cette contrée, ce ne sont plus seulement des hommes, mais des territoires, des nations que nous avons voulu fondre dans notre nom. Alors la paix intérieure fut assurée, et nous avons eu au dehors une situation florissante, quand les peuples d'au-delà du Pô furent admis dans la cité, quand la distribution de nos légions dans tout l'univers eut servi de prétexte pour y admettre les guerriers des provinces et remédier ainsi à l'épuisement de l'empire. A-t-on à regretter que les Balbus soient venus d'Espagne, et d'autres hommes non moins illustres de la Gaule Narbonnaise ? Leurs descendants sont encore parmi nous, et leur amour pour notre patrie ne le cède pas au nôtre. Pourquoi Lacédémone et Athènes, si puissantes par les armes, ont-elles péri, si ce n'est pour avoir repoussé les vaincus comme des étrangers ?…

Au contraire, Romulus, notre fondateur, a été assez sage pour voir presque tous les peuples en un même jour ennemis et citoyens. Des étrangers ont régné sur nous. Des fils d'affranchis obtiennent les magistratures: ce n'est point une innovation, comme la plupart le croient faussement ; l'ancienne république en a vu de nombreux exemples. Nous avons combattu, dit-on, avec les Sénonais. Jamais sans doute les Eques et les Volsques ne rangèrent contre nous une armée en bataille ! Nous avons été pris par les Gaulois. Mais aux Etrusques aussi nous avons donné des otages, et les Samnites nous ont fait passer sous le joug. Et cependant rappelons-nous toutes les guerres; aucune ne fut plus promptement terminée que celle des Gaulois ; la paix est constante et fidèle. Déjà les moeurs, les arts, les alliances les confondent avec nous ; qu'ils nous apportent aussi leurs richesses et leur or, plutôt que d'en jouir seuls.
Pères conscrits, tout ce que nous croyons très ancien a été nouveau : plébéiens admis aux magistratures après les patriciens, Latins après les plébéiens, autres nations d'Italie après les Latins. Notre décret vieillira comme le reste, et ce que nous justifions aujourd'hui par des précédents servira de précédent à son tour.

TACITE, Annales, XI, 23, 24, (texte établi d'après Burnouf, traduit par Henri BORNECQUE, Paris, Garnier, 1957).


Lexique, ordre alphabétique

Albe = cité d’Italie centrale.
Alésia = victoire de César contre les Gaulois de Vercingétorix
Balbus = un Espagnol à qui Rome accorda la citoyenneté. Il entra au service de César.
Eques et Volsques = peuples italiens en guerre contre Rome au Ve s av. J.-C.
Des étrangers ont régné sur nous : allusions aux rois étrusques qui régnèrent sur Rome avant la fondation de la République en - 509
Etrusques = civilisation d’Italie du nord, avant le développement de la puissance romaine. Leur pays est l’Etrurie.
Gaule Chevelue = nom donné par César à la Gaule indépendante
Hommes illustres de la Gaule Narbonnaise = par ex. D. Valerius Asiaticus (allobroge),
Le divin Jules = Jules César
Lucanie = région du sud de l’Italie
Patriciens = riches aristocrates romains
Pères conscrits = sénateurs
Plébéiens = citoyens opposés aux privilèges des patriciens
Le Pô = fleuve du nord de l’Italie
Porcius = sénateur, consul et général romain du premier siècle avant J.-C.
Romulus : fondateur légendaire de Rome
Sabins = peuple d’Italie centrale
Samnites = habitants d’une région située à l’est de Rome
Sénonais  ou Sénons = peuple gaulois d’Italie centrale en guerre contre les Romains au IIIe s. av. J.-C.
Tusculum = ville du Latium
Vénètes et Insubres = peuples gaulois de la région de Milan et Venise, en Italie. En guerre contre les Romains au IIIe s. av. J.-C.

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