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lycée banlieue culture
18 juin 2010

Economie-monde (Braudel), définition

Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Arthaud, 1985. 

 

Page 85.

Une économie-monde peut se définir comme une triple réalité :

- Elle occupe un espace géographique donné; elle a donc des limites qui l'expli­quent et qui varient, bien qu'avec une cer­taine lenteur. Il y a même forcément, de temps à autre, mais à longs intervalles, des ruptures. Ainsi à la suite des Grandes Découvertes de la fin du XVe siècle. Ainsi en 1689, quand la Russie, par la grâce de Pierre le Grand, s'ouvre à l'économie européenne. Imaginons aujourd'hui une franche, totale et définitive ouverture des économies de la Chine et de l'U.R.S.S.: il y aurait alors rup­ture des limites de l'espace occidental, tel qu'il existe actuellement.

- Une économie-monde accepte toujours un pôle, un centre, représenté par une ville dominante, jadis un Etat-ville, aujourd'hui une capitale, entendez une capitale écono­mique (aux Etats-Unis, New York, non pas Washington).

D'ailleurs, il peut exister, de façon même prolongée, deux centres à la fois, dans une même économie-monde, Rome et Alexandrie au temps d'Auguste, d'Antoine et de Cléopâtre, Venise et Gênes au temps de la guerre de Chioggia (1378, 1381), Londres et Amsterdam, au XVIIe siècle, avant l'élimination définitive de la Hollande. Car l'un des deux centres finit toujours par être éliminé. En 1929, le centre du monde, avec un peu d'hésitation, est passé ainsi, sans ambiguité, de Londres à New York.

- Toute économie-monde se partage en zones successives. Le coeur, c'est-à-dire la région qui s'étend autour du centre : les Pro­vinces-Unies (mais pas toutes les Provinces-Unies) quand Amsterdam domine le monde au XVIIe siècle; l'Angleterre (mais pas toute l'Angleterre) quand Londres, à partir des années 1780, a définitivement supplanté Amsterdam. Puis viennent des zones intermédiaires, autour du pivot central. Enfin, très larges, des marges qui, dans la division du travail qui caractérise l'éco­nomie-monde, se trouvent subordonnées et dépendantes, plus que participantes. Dans ces zones périphériques, la vie des hom­mes évoque souvent le Purgatoire, ou même l'Enfer. Et la raison suffisante en est, bel et bien, leur situation géographique.

Ces remarques trop rapides appelleraient évidemment des commentaires et des justifications. Vous les trouverez dans le troisième volume de mon ouvrage, mais vous pouvez en prendre une mesure exacte dans le livre d'lmmanuel Wallerstein, The Modem World-System paru en 1974 aux Etats-Unis et publié en France sous le titre Le Système du monde du xve siècle à nos jours (Flammarion).

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