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lycée banlieue culture
17 mars 2010

Fawzia Zouari, Ce voile qui déchire la France

Fawzia Zouari, Ce voile qui déchire la France, Ramsay 2004 

Page 116 et suivantes.

En ramenant au facteur religieux l'ensemble des problèmes vécus dans certains quartiers, la société française confirme sa préférence pour un islam dépouillé de sa visibilité. Les musulmans seront acceptés lorsque leur identité sera voilée...

LE CONTENTIEUX DE LA COLONISATION

[…] On étend la relation complexe et passionnelle du couple Algérie-France à tous les musulmans, de sorte qu'il est censé résumer à lui seul une population immigrée diversifiée qui ne peut se restreindre à l'islam (il y a des immigrés arabes chrétiens), ni à un passé ou une origine déterminée.

À sa manière, le fichu fait resurgir le souvenir des inimitiés de naguère. […] Ainsi, s'exprimant en tant qu'« ancien d'Algérie », le maire d'un petit village français croit pouvoir assurer, à propos d'une femme portant le foulard dans sa commune, qu'il a « tout de suite compris » avoir affaire « au top du top de l'intégrisme».

Ce passif, non content d'empêcher une vision sereine du foulard chez les Français, ravive chez les musulmans le souvenir d'une époque coloniale où le contrôle de l'islam était vécu comme une humiliation. Le rejet du foulard équivaut pour certains d'entre eux à une manie de contrôler l'islam de France comme ce fut le cas dans les anciennes colonies. « C'est encore une fois décider à notre place », au nom de la « supériorité de l'approche », s'indignent-ils. « On associe souvent le vote d'une loi sur le voile à la lutte contre la discri­mination des femmes. Ça rappelle la colonisa­tion : ce serait pour notre bien, ils ne veulent pas que les femmes soient soumises... mais qu'est-ce qu'ils en savent ? » interroge une jeune enseignante. Désigner l'islam comme un particularisme, c'est dire « qu'il n'y a qu'une façon d'être français » ; c'est arrêter un statut « spécifique » pour l'islam d'aujourd'hui, comme ce fut le cas pour l'islam d'hier conçu comme un système de valeurs inférieures. Le relent colonialiste qu'illustrerait une loi interdi­sant le foulard ne manque pas de faire écho au tragique épisode de dévoilement obligatoire imposé aux Algériennes lors de la guerre d'Algérie. Le photographe Marc Garanger a raconté quelques séances de photographies imposées aux Algériennes. En juillet 1960, sur ordre du commandant de garnison, elles sont en effet forcées de se dévoiler devant son objectif. « Venez voir comme elles sont laides ! Venez voir ces macaques. On dirait des singes », raillait un capitaine du Service de paci­fication. Garanger, alors jeune appelé, fixe son appareil sur les villageoises et c'est comme si, avouera-t-il vingt ans plus tard, il «violait leur être tout entier». «Tel est l'un des épisodes qui figure l'une des violences les plus douloureuses de la guerre d'Algérie : le dévoilement obligatoire par injonction administrative et militaire. Et ses conséquences présentes : les petites-filles de ces Algériennes lointaines ont la hantise du même geste profanateur. […]

L'opération de dévoilement public organisée par le général Massu à Alger, le 13 mai 1958, en est un parfait exemple. […]

LE VIEUX CONTENTIEUX ENTRE L'ÉDUCATION NATIONALE ET L'ISLAM

[…] De même, l'opposition à la création d'instituts d'études sur l'islam pèse lourd dans la polémique, explique Sadek Sellam. Six projets ont été effectivement présentés, dont une « faculté de théologie » à Strasbourg proposée par Mohamed Arkoun. L'historien algérien, connu pour être un âpre défenseur de la laïcité, ne fut jamais reçu par Lionel Jospin, alors ministre de l'Éducation nationale. D'autres projets identiques n'ont pas réussi à voir le jour. […]

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