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lycée banlieue culture
19 juin 2009

L’objectivité en histoire

 

L’objectivité de l’histoire suppose-t-elle l’impartialité de l’historien ?
C'était le sujet de l’épreuve de philosophie au baccalauréat 2009. 

INTRODUCTION

Objectivité : Impartialité, neutralité, caractère scientifique rigoureux.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Objectivit%C3%A9

L’histoire : ici l’histoire-discipline et non pas le temps qui passe. Les adeptes de la muse Clio, les petits-enfants de Thucydide.

Impartialité : L’impartialité n’est pas forcément une vertu. Un article qui ne soulève, n’analyse, ne résout aucun problème et ne se prononce ni pour, ni contre quoi que ce soit, reste en fin de compte un étalage de faits bien rangés. Du moment que le problème existe, on est dans l’obligation de prendre parti.

L’impartialité est une obligation de moyens, non de résultats.

L’historien. Qu’est-ce qu’un historien ? Les universitaires. Les historiens locaux sont-ils des historiens ? Oui et non. Cela dépend. Mais souvent il leur manque à la fois connaissances et méthode, d’où de nombreuses erreurs. Et les revues grand public ?

 

CITATIONS DIVERSES 

L'historien grec Thucydide a décrit ses méthodes pour raconter l'histoire de la Guerre du Péloponnèse (I, 22). Il était général dans l'armée athénienne au début du conflit, mais, exilé de la cité suite à une défaite en 424, il s'est mis à écrire l'histoire de la guerre qui se déroulait.

" Encore ceci : d'abord tout ce que chacun a prononcé sous forme de discours soit au moment d'engager le combat soit quand il était déjà dans l'action, il m'était difficile de rappeler avec exactitude même les paroles prononcées, celles que j'avais moi-même entendues, mais difficile aussi pour ceux qui m'en informaient, de n'importe quelle source ; mais c'est comme chacun, me semblait-il, aurait dit chaque fois ce qui convenait le mieux sur la situation du moment, en me tenant le plus près possible du sens total des paroles véritablement prononcées, voilà comment les discours ont été faits [= comment Thucydide lui-même les a mis par écrit].
Quand aux actions qui ont été commises dans la guerre, ce n'est pas en me renseignant auprès du premier venu ni selon ce qu'il me semblait que j'ai prétendu les inscrire, mais ce sont celles auxquelles j'étais moi-même présent et j'ai abordé chacune en recourant à autrui, avec toute l'exactitude possible.
Il fallait de la peine pour les trouver, car les témoins de chaque action ne disaient pas la même chose sur les mêmes actions, leurs paroles dépendaient de leur parti pris ou de leur mémoire.
Et pour l'audition, peut-être le manque de mythe dans les faits paraîtra-il plus désagréable ; mais pour tous ceux qui voudront examiner ce qu'il y a de clair dans les faits passés et, dans les faits qui doivent être un jour à nouveau les mêmes ou proches, en vertu de la condition humaine, eh bien juger utiles les faits sera suffisant. Ce qui est composé ici, c'est un acquis pour toujours, plutôt qu'un morceau à écouter sur le moment dans un concours. "
Trad Michel Casevitz, dans "L'Histoire d'Homère à Augustin", éd. Seuil, Points, essais 388, 1999, pp.82-83)

Autre traduction moins littérale.

"En ce qui concerne les discours que les uns ou les autres ont prononcés à la veille de la rupture ou au cours des hostilités, il était difficile d'en donner le texte exact, aussi bien pour moi, lorsque je les avais personnellement entendus, que pour ceux qui me les rapportaient de telle ou telle provenance. J'ai prêté aux orateurs les paroles qui me paraissaient les mieux appropriées aux diverses situations où ils se trouvaient, tout en m'attachant à respecter autant que possible l'esprit des propos qu'ils ont réellement tenus.
Quant aux actions accomplies au cours de cette guerre, j'ai évité de prendre mes informations du premier venu et de me fier à mes impressions personnelles. Tant au sujet des faits dont j'ai moi-même été témoin que pour ceux qui m'ont été rapportés par autrui, j'ai procédé chaque fois à des vérifications aussi scrupuleuses que possible. Ce ne fut pas un travail facile, car il se trouvait dans chaque cas que les témoins d'un même événement en donnaient des relations discordantes, variant selon les sympathies qu'ils éprouvaient pour l'un ou l'autre camp ou selon leur mémoire.
Il se peut que le public trouve peu de charme à ce récit dépourvu de romanesque. [= "dépourvu de mythes"] Je m'estimerai pourtant satisfait s'il est jugé utile par ceux qui voudront voir clair dans les événements du passé, comme dans ceux, semblables ou similaires, que la nature humaine nous réserve dans l'avenir. Plutôt qu'un morceau d'apparat composé pour l'auditoire d'un moment [= "pour un concours"], c'est un capital impérissable [= "un acquis pour toujours"] qu'on trouvera ici."
(Trad Denis Roussel, dans "Hérodote- Thucydide, Oeuvres complètes", éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1965, p. 706)

« Le réel est discontinu, formé d'éléments juxtaposés sans raison dont chacun est unique, d'autant plus difficiles à saisir qu'ils surgissent de façon sans cesse imprévue, hors de propos, aléatoire »
A. ROBBE-GRILLET, Le Miroir qui revient, Paris, Ed. de Minuit, 1984, p.208

« Nous pensons, quant à nous, qu’un rationalisme raisonnable doit savoir reconnaître ses limites et intégrer ses conditions d’exercice ».
Georges Canguilhem, La connaissance de la vie, J. Vrin

« Il faut suivre la vérité effective de la chose et non l’image qu’on s’en fait ».
MACHIAVEL, Le Prince, ch. XV.

« Oeuvre d'un homme, une histoire est le portrait d'un homme, lequel s'y est imprimé avec sa pensée... Pour ma part, j'aime, je l'avoue, à chercher aussi dans l'histoire l'historien. »
A. VINET. Études sur la littérature française.

Si la mémoire est un enjeu du pouvoir, si elle autorise des manipulations conscientes ou inconscientes, si elle obéit aux intérêts individuels ou collectifs, l'histoire, comme toutes les sciences, a pour norme la vérité. 
J. LE GOFF, Histoire et mémoire, Paris, Gallimard, 1977-1986, p. 198.

Nous attendons de l'histoire une certaine objectivité, l'objectivité qui lui convient. Cela ne veut pas dire que cette objectivité soit celle de la physique ou de la biologie : il y a autant de niveaux d'objectivité qu'il y a de comportements méthodiques.
P. RICOEUR, Histoire et vérité, Paris Seuil, 1955-1964, p. 23-24.

"Nous attendons de l'historien une certaine qualité de subjectivité ... une subjectivité qui soit précisément appropriée à l'objectivité qui convient à l'histoire."
RICOEUR. Histoire et Vérité. Seuil page 2

"L'historien va aux hommes du passé avec son expérience humaine propre. Le moment où la subjectivité de l'historien prend un relief saisissant c'est celui où, par delà toute chronologie critique, l'historien fait surgir les valeurs de vie des hommes d'autrefois."
RICOEUR, Histoire et vérité. Seuil page 31.

« Ce qui nous importe, ce n’est pas quelques aspects de nous-mêmes, mais l’homme entier. L’historien futur ne saurait que le reconstituer avec peine, ou plutôt il ne saisirait que des facettes. Un témoin le porte en lui-même ».
Henri FOCILLON cité dans l’Histoire locale et régionale, Que-Sais-je ? n° 2689.

« Même si j’étais Bismarck qui prend la décision d’expédier la dépêche d’Ems, ma propre interprétation de l’événement ne sera peut-être pas la même que celle de mes amis, de mon confesseur, de mon historien attitré et de mon psychanalyste ».
Paul VEYNE, Comment on écrit l’histoire, coll. Points, Seuil.

« 1) On devrait raisonnablement accepter l'idée d'une histoire sinon vraie du moins, dans la perspective du rationalisme critique, la plus vraie possible. Cette vérité, toujours provisoire, ne se rapporte pas ici au sujet historien, mais à son objet de recherche et aux moyens méthodologiques adoptés pour établir la crédibilité de ses résultats de recherche.
2) On peut, sans paraître verser dans un positivisme rétrograde, reconnaître à l'histoire la capacité, même limitée, de construire des schémas explicatifs. La compréhension (subjective ou intuitive) en histoire peut ainsi déboucher sur une explication rationnelle des événements, explication qui repose en fait sur une capacité de généralisation à la fois partielle et également provisoire.
3) Le processus de l'explication en histoire repose sur un effort permanent de contextualisation qui renvoie, sur une base dialectique, de la partie (acteur ou événement) au tout, soit du texte au contexte, même si ce tout ne peut jamais être appréhendé qu'en partie et que les moyens de cette appréhension diffèrent d'un sujet-historien à l'autre et aussi d'une époque à l'autre. »
NADIA FAHMY-EID, Histoire comparée, histoire plus vraie ? Quelques balises et des promesses d'avenir.

 

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