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lycée banlieue culture
14 juillet 2008

Arabe dialectal et arabe littéraire

Saïd Benjelloun, Le bilinguisme arabe-arabe au Maroc ou langue maternelle et langue d’enseignement.

Paru dans : img370

Eidôlon, cahiers du laboratoire pluridisciplinaire de recherches sur l’imagination littéraire (L.A.P.R.I.L.), Les enfants de Babel, Université de Bordeaux III, octobre 1988, 34.

Extraits

[…] Pour notre part, nous nous placerons d'un point de vue pédagogique pour essayer de réfléchir sur ce que vit l'entant marocain qui entre à l'école. Il est en présence de trois langues : l'arabe dialectal qu'il parle, l'arabe clas­sique qu'il va apprendre à lire et à écrire et le français qu'il a commencé à parler et qu'il va apprendre à lire et à écrire. […]

La relation entre la langue maternelle et la langue d'enseignement peut aller jusqu'à l'incompréhension la plus totale. Et ce n'est pas un hasard si après avoir exigé de l'instituteur de faire la totalité de son cours en arabe classique on en revient aujourd'hui à lui permettre de donner des explications en arabe dialectal. Signalons au passage que la majorité des enseignants sont aujourd'hui incapables d'une telle prouesse vu leur niveau de formation. […]

Il est vrai que l'arabe dialectal marocain, tout comme les autres dialectes arabes tant au Maghreb qu'au Proche-Orient, provient de l'arabe classique. Mais à mesure que l'on s'éloigne du berceau de cette langue qui est l'Arabie, le fossé entre la langue-mère et les dialectes arabes se creuse davantage. Au point que les Moyen-Orientaux ont beaucoup de mal à comprendre l'arabe parlé au Maroc, et que beaucoup de Marocains pensent que dans les pays du Moyen-Orient c'est l'arabe classique qui est parlé, alors qu'en réalité chaque pays arabe a son dialecte arabe.

L'existence de ces dialectes arabes est due au fait que l'arabe classique, figé dans sa structure et sa morpho­logie, n'a pas évolué comme langue vivante et langue de com­munication. Il s'est confiné dans la religion et la littéra­ture, tourné plus vers le passé et réservé à une élite. D'où le besoin d'un moyen vivant de communication réalisé en vul­garisant l'arabe classique et en empruntant aux langues autochtones (le berbère) et plus tard au français et à l'espagnol.

Par ailleurs le choix du français comme langue de la technologie et des finances, malgré tous le discours sur l'arabisation et son application partielle, est loin d'en faire une simple langue étrangère. Cependant son introduc­tion tardive (à partir de la 5ème année du primaire dans l'enseignement public) et la réduction de son horaire ont fait baisser son niveau.

[…] En attendant, on n'abandonne pas le désir de pouvoir parler un jour cet arabe classique bien que ceux qui essayent de le faire (en général ils ne vont pas plus loin que deux ou trois phrases pour revenir à l'arabe dia­lectal) paraissent bien pédant et suscitent rires et moqueries.

Il ressort de ce qui précède que :

- L'arabe classique est bien éloigné de l'arabe dialectal

- Nulle part dans le monde arabe il n'est parlé et ne peut l'être

- L'arabe dialectal, de plus en plus pauvre, ne peut servir de langue d'enseignement.

[…]

img363

Note de l'auteur du blog :

Je ne suis pas convaincu par l'auteur quand il jette le discrédit sur le dialectal. Il me semble qu'au Maghreb c'est la langue la plus simple à comprendre, celle qui permet le mieux de démocratiser la société, la politique et l'enseignement. Si on en fait la langue officielle, il s'enrichira automatiquement, pour répondre aux besoins.

Rendons hommage au président algérien Boudiaf, rénovateur trop tôt disparu, qui s'exprimait officiellement en dialectal.

Je me souviens d'une maghrébine qui s'étonnait d'entendre l'imam prononcer dans son prêche le mot "anaba" ou "anabal". Elle s'indignait : mais enfin, que vient Hannibal dans un commentaire du Coran !!! Après de longues recherches, sa famille amusée réalisa qu'il s'agissait d'une interjection d'arabe littéraire archaïque et peu usitée, une figure de style prétentieuse. Ce qui qui signifie que lorsque quelqu'un parle en littéraire beaucoup de gens ne comprennent qu'une partie et sont obligés de jouer à la devinette pour pénétrer le sens du message. Cela pose quand même un sacré problème ! L'arabe littéraire handicape les masses populaires et avantage les privilégiés.

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