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lycée banlieue culture
24 mai 2008

Germaine Tillion, Le harem et les cousins

Tillion1Germaine Tillion, Le harem et les cousins, Seuil 1966. 

Note de l’auteur du blog :

Les extraits suivants éclairent les relations mère-fils dans certains quartiers sensibles. Ils montrent pourquoi certains garçons sont surprotégés par leur mère. Cela n’est pas particulier à l’islam.

Page 202 et suivantes

« Qui enlèvera la coiffure ou le mouchoir (que les femmes portent sur les cheveux) ; ou pour prendre l'expression vulgaire qui « attachera », ou soit par des menaces publiques ou secrètes soit par toute autre violence empêchera une jeune fille ou une veuve de se marier, encourra la peine... ».

Cette disposition se trouve dans une sorte de code qui fut promulgué sous le gouvernement de Paoli, au mois de mai 1766. A cette date on empêchait en Corse une jeune fille de se marier en découvrant ses cheveux en public, car après cet affront seul l'auteur de l'attentat pouvait épouser sans honte la femme qui en était victime. — Toutefois avant le mariage il avait grandes chances d'être assassiné par sa future belle-famille...

Les analogies entre les coutumes chrétiennes et celles que l'on attribue généralement à la seule société musulmane ne se bornent pas à d'aussi anodines ressemblances […].

Un bon observateur de l'Italie [1] écrit à propos de l'éducation des filles et des garçons : « Ne revenons pas sur les filles, élevées dans l'idée que la seule affaire importante est la virginité : rien d'étonnant qu'elles ne se donnent aucun mal pour développer leur esprit ou affermir leur caractère. Elles savent que ce qu'elles ont de plus précieux ne leur appartient pas vraiment, que le mari le prendra en une fois et qu'ensuite elles ne vaudront plus rien. Toute leur vie aura été jouée en quelques minutes et pour toujours et bien souvent avant même qu'elles ne soient sorties de l'enfance. […] Pour les garçons, les choses ne vont guère mieux. Traités en dieux dès leur berceau, entourés d'un essaim de femmes attentives à satisfaire leurs caprices, jamais seuls dans une chambre, jamais contrecarrés en rien, jamais soumis à un horaire, jamais punis ni récompensés selon aucun système mais abandonnés au fil de leurs humeurs... ils arrivent à l'âge d'homme démunis comme des nouveau-nés. A vingt, vingt-cinq ans, la rencontre avec le réel... se traduit pour eux en catastrophe épouvantable. […] 

Les femmes écrasées fabriquent des homuncules vaniteux et irresponsables […] 

SUR LA RIVE MUSULMANE DE LA MER

[…] Au début de ce siècle, dans tout le Nord de l'Afrique, dans tout l'Ouest de l'immense Asie, la règle ne souffrait pas d'exception : toutes les femmes des villes - mises à part quelques vieilles servantes — dissimulaient leur visage sous une véritable cagoule lorsque des obligations les contraignaient à sortir du harem. Les femmes des villes et non celles des campagnes, — car jadis ces dernières circulaient toujours le visage découvert. […] 

Or les mères algériennes se font un devoir de battre leurs filles, pour les habituer à la soumission, mais elles ne contrarient jamais leurs fils. Ce type d'éducation ne donne pas nécessairement des « blousons noirs » du moins dans les campagnes, mais par contre, dans les grandes cités et les faubourgs populeux, combiné avec les exemples de la rue et l'absence du père, il a produit les résultats qu'on en pouvait attendre : c’est pour éviter les grossièretés des gamins que dans beaucoup de villes algériennes les femmes ont repris le voile. […]

Malheureusement, la loi du nombre appartient toujours aux masses rurales qui plus que jamais envahissent les villes. Elles y apportent, outre leurs misères si difficiles à guérir, un poids quasi écrasant de préjugés préhistoriques. Dans le milieu bâtard - mi-campagnard, mi-urbain - qui actuellement tend à submerger tous les autres, l'influence de la femme, précisément à cause de son « occultation », reste grande et même trop grande.[ …] On conçoit, dès lors, qu'une mécanique dont le double résultat est à la fois d'exagérer l'influence des mères sur les enfants, tout en privant l'ensemble des femmes de relations normales avec la vie, la société, la nation, le progrès, puisse engendrer, au cours de périodes où l'évolution est rapide, les plus pernicieuses conséquences.

La jeune femme, elle, doit s'habituer dès l'enfance à l'anéantissement de sa personnalité et pour cela supporter des brimades incessantes mais inefficaces - les femmes méditerranéennes ont autant de personnalité que les autres et les brimades ne leur assouplissent nullement le caractère, elles l'aigrissent.

[1] Dominique Fernandez, Mère Méditerranée, Grasset 1965, page 49.

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