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lycée banlieue culture
23 février 2008

Mémoires de Madame Roland

Mémoires de madame Roland

Commentaire de texte module de 2de

Page 245.

[Début 1791 quelques dirigeants girondins décident de tenir leurs réunions au domicile de Madame Roland ].   img329

Cette disposition me convenait parfaitement ; elle me tenait au courant des choses auxquelles je prenais un vif intérêt ; elle favorisait mon goût pour suivre les raisonnements politiques et étudier les hommes. Je savais quel rôle convenait à mon sexe et je ne le quittai jamais. Les conférences se tenaient en ma présence sans que j'y prisse aucune part : placée hors du cercle et près d'une table, je travaillais des mains, ou faisais des lettres, tandis que l'on délibérait : eussé-je à expédier dix missives, ce qui avait lieu quelquefois, je ne perdais pas un mot de ce qui se débitait, et il m'arrivait de me mordre les lèvres pour ne pas dire mon avis.

Ce qui me frappa davantage et me fit une peine singulière, c'est cette espèce de parlage et de légèreté au moyen desquels des hommes de bon sens passent trois ou quatre heures sans rien résumer. Prenez les choses en détail, vous avez entendu soutenir d'excellents principes, mais il n'y a point de marche tracée et de point déterminé vers lequel il soit convenu que chacun parviendra de telle manière.

J'aurais quelquefois souffleté d'impatience ces sages que j'apprenais chaque jour à estimer pour l'honnêteté de leur âme, la pureté de leurs intentions, excellents raisonneurs, tous, philosophes, mais n'entendant rien à mener les hommes ; ils faisaient, ordinairement en pure perte, de la science et de l'esprit.

Cependant j'ai vu projeter quelques bons décrets qui ont passé ; bientôt la coalition de la minorité de la noblesse acheva d'affaiblir le côté gauche ; il n'y avait plus qu'un petit nombre d'hommes inébranlables qui osaient combattre pour les principes ; et, sur la fin, il se réduisit presque à Buzot, Pétion et Robespierre. Celui-ci me paraissait alors un honnête homme ; je lui pardonnais, en faveur des principes, son mauvais langage et son ennuyeux débit. J'avais cependant remarqué qu'il était toujours concentré dans ces comités ; il écoutait tous les avis, donnait rarement le sien, et j'ai ouï-dire que le lendemain, le premier à la tribune, il faisait valoir les raisons qu'il avait entendu exposer la veille par ses amis. Cette conduite lui fut quelquefois reprochée avec douceur : il se tirait d'affaire par des gambades, et on lui passait sa ruse comme celle d'un amour‑propre dévorant dont il était vraiment tourmenté.

Cependant s'il s'agissait de proposer quelque chose, ou de se distribuer les rôles, on n'était jamais sûr que Robespierre ne viendrait pas, comme par boutade, prévenir inconsidérément les tentatives par l'envie de s'en attribuer l'honneur, et faire ainsi tout manquer. Persuadée alors que Robespierre aimait passionnément la liberté, j'étais disposée à attribuer ses torts à l'excès d'un zèle emporté. C'est ainsi qu'avec un heureux préjugé en faveur de quelqu'un, on transforme les plus fâcheux indices en signes des meilleures qualités. Jamais le sourire de la confiance ne s'est reposé sur les lèvres de Robespierre, tandis qu'elles sont presque toujours contractées par le rire amer de l'envie qui veut paraître dédaigner. Son talent, comme orateur, était au-dessous du médiocre ; sa voix triviale, ses mauvaises expressions, sa manière vicieuse de prononcer, rendaient son débit fort ennuyeux. Mais il défendait les principes avec chaleur et opiniâtreté ; il y avait du courage à continuer de le faire au temps où le nombre des défenseurs du peuple s'était prodigieusement réduit. La cour les haïssait et les faisait calomnier, les patriotes devaient donc les soutenir et les encourager. J'estimais Robespierre sous ce rapport, je le lui témoignais ; et lors même qu'il était peu assidu au petit comité, il venait de temps en temps me demander à dîner. J'avais été frappée de la terreur dont il parut pénétré le jour de la fuite du roi à Varennes ; je le trouvai l'après-midi chez Pétion, où il disait avec inquiétude que la famille royale n'avait pas pris ce parti sans avoir dans Paris une coalition qui ordonnerait la Saint‑Barthélemy des patriotes, et qu'il s'attendait à ne pas vivre dans les vingt-quatre heures. Pétion et Brissot disaient, au contraire, que cette fuite du roi était sa perte, et qu'il fallait en profiter ; que les dispositions du peuple étaient excellentes ; qu'il serait éclairé sur la perfidie de la cour par cette démarche ; qu'il était évident que le roi ne voulait pas de la constitution qu'il avait jurée ; que c'était le montent de s'en assurer une plus homogène, et qu'il fallait préparer les esprits à la république. Robespierre, ricanant à son ordinaire et se mangeant les ongles, demandait ce que c'était qu'une république !

L'arrestation de Louis XVI fit grand plaisir à Robespierre ; il voyait par là tous les malheurs prévenus, et cessait de craindre pour lui : les autres s'en affligèrent ; ils trouvaient que les intrigues allaient recommencer, et que l'effervescence du peuple apaisé par le plaisir de voir retenir le coupable, ne servirait plus à seconder les efforts des amis de la liberté. La réconciliation de Lafayette avec les Lameth leur démontrait une coalition nouvelle qui ne pouvait avoir pour base l'intérêt public.

Les Jacobins proposèrent une pétition à l'assemblée ,pour lui demander le jugement du roi qui avait fui, ou l'inviter à recueillir le voeu du peuple sur le traitement qu'il pouvait mériter. Laclos, cet homme plein d'esprit, que la nature avait fait pour de grandes combinaisons, et dont les vices ont consacré toutes les facultés à l'intrigue ; Laclos dévoué à d'Orléans et puissant dans son conseil, fit cette proposition aux Jacobins, qui l'accueillirent, et près de qui elle fut appuyée par un détachement de quelques centaines de motionnaires tombés dans le lieu de leur séance, à dix heures du soir. […]

Editions A. Michel 1925 img330

Mots difficiles à expliquer aux élèves.

(Eventuellement amener un dictionnaire en classe.)

- Noms de personnes : Robespierre, Louis XVI, Pétion, Brissot, Laclos, Orléans, Buzot, Lafayette, Lameth

- Jacobins, Girondins, Saint-Barthélémy, Varennes, pétition, perfidie, intrigues, constitution, motionnaires, décrets, tribunes,

Contexte

La scène se passe à Paris en 1791.

Au début de l’année 1791 les royalistes et les aristocrates restent encore puissants.

Biographie de Madame Roland

Jeanne Roland de La Platière, de son vrai nom Manon Philipon. Femme politique française (1754-1793). Cultivée, elle s'enthousiasme pour la Révolution française. Roland de la Platière, son mari, devient ministre de l'Intérieur en 1792. Mais le vent tourne, les Jacobins, les sans-Culottes et le Père Duchesne se méfient d’elle et de son mari, qu’ils trouvent trop modérés. Elle est arrêtée en 1792 puis condamnée à mort avec les Girondins. C’est en prison qu’elle écrit ses Mémoires.

Thèmes

- Rôle des femmes en politique

- Relation entre le club des Jacobins et l’assemblée parlementaire.

- Caractère de Robespierre

- Pourquoi R est-il inquiet. Pourquoi a-t-il des doutes sur les chances de succès d’une république. Contexte international, isolement de la France en Europe.

- Expliquer pourquoi madame Roland éprouve du ressentiment à l’égard de Robespierre.

- Attitude des royalistes et de la noblesse.

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