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lycée banlieue culture
15 janvier 2008

Les étrangers à Athènes

 

GRcouleurIntroduction

 

Dans un lycée avec de nombreux élèves d’origine étrangère, il est capital d’étudier la condition des étrangers dans la «démocratie» athénienne.

 

Il y avait alors deux catégories :

- les métèques, restant étrangers mais demeurant à Athènes parfois depuis plusieurs générations

- les étrangers de passage tels que les commerçants, pèlerins, ambassadeurs etc.

C’est l’occasion de réfléchir sur le sens  vague du mot démocratie.

Certes il signifie « le pouvoir du peuple », mais que veut dire « peuple » ?

L’ensemble des habitants ou alors les privilégiés qui possèdent le droit de vote ? Tout le problème de la démocratie est là ! Il y a une ambiguëté qui existe encore dans nos «démocraties» contemporaines où les étrangers demeurent souvent exclus de la citoyenneté.

On verra dans ces textes que les étrangers à Athènes étaient exclus du droit de vote mais que par ailleurs ils faisaient bien partie de la communauté des habitants et bénéficiaient de droits réels. Leur exclusion de la catégorie des citoyens s’explique par le fait qu’Athènes était une démocratie directe, une démocratie sans classe politicienne, sans ministres, députés ou sénateurs, où les citoyens votaient eux-mêmes les lois, où les élus étaient étroitement contrôlés par le peuple.

Du moins en théorie, car en pratique il y avait une élite qui manipulait les citoyens de base. Mais la théorie, même non appliquée, a son importance.


Définir les mots difficiles.

Se servir d’une carte de la Grèce .

 

Pir_e2Les mÉtÈques dans la citÉ des athÉniens

textes

Au début du Ve siècle


Le poète Eschyle imagine vers - 460 un décret de l’assemblée d’Argos donnant asile à des étrangères :


« Nous aurons sur cette terre statut de métèque, libres et non saisissables, protégées contre toutes représailles humaines ; nul, habitant ou étranger, ne pourra nous saisir. En cas de violence tout habitant de ce pays qui ne nous aura pas porté secours est frappé d’atimie [privé de ses droits civiques], exilé par sentence [décision] du peuple. »

Eschyle, Les Suppliantes [pièce de théâtre], vers n° 600-614.


Un Arcadien s’installe à Argos :

« Entré dans nos bataillons comme un Argien de naissance, il a défendu notre territoire, prenant sa part de nos succès, déplorant nos revers. »

Eschyle, Les Suppliantes, 888-898.


Au milieu du Ve siècle


« Et deux ans plus tard, sous l’archonte Antidotos [451/450], à cause du grand nombre des citoyens et sur la proposition de Périclès, les Athéniens décidèrent que ne ferait pas partie des citoyens quiconque ne serait pas né de père et de mère "astoï" » [de la ville, c’est-à-dire de nationalité athénienne].

Aristote (philosophe), Politique, 26, 3.


A la fin du Ve siècle


Se défendant contre des reproches possibles, un Athénien déclare :

« Cléon ne pourra pas m’accuser de dire du mal de la cité en présence d’étrangers ; car nous sommes entre nous ; c’est le concours des Lénéennes [une fête], les xénoï [les alliés] ne sont pas encore là. Aujourd’hui nous sommes entre nous, débarrassés de la balle [la balle du grain, les étrangers] ; car je dis que les métèques forment le son [au sens du son d'un grain de blé] des citoyens. »

Aristophane, Les Acharniens, vers - 425 en pleine guerre du Péloponnèse.


« Voici, dans ce qui concerne la guerre, en quoi nous différons de nos ennemis. Notre cité est accessible à tous les hommes ; aucune loi n’en écarte les étrangers, ni ne les prive de nos institutions ou des spectacles qui se donnent chez nous : chez nous, rien de caché, rien dont ne puissent profiter nos ennemis. »

Discours de Périclès selon Thucydide, La guerre du Péloponnèse, 2, 39.

Thucydide a vécu de - 460 à - 395.


« Ces Platéens qui avaient donné un témoignage si éclatant de leur dévouement à votre peuple, qui avaient sacrifié tous leurs biens, leurs femmes et leurs enfants, voyez encore dans quelles conditions vous leur avez accordé le droit de cité. [...]

Décret [définir le mot] au sujet des Platéens.

Proposition d’Hippocratès. A dater de ce jour, les Platéens seront citoyens d’Athènes avec les mêmes droits que les autres Athéniens et posséderont les mêmes prérogatives [pouvoirs] en matière religieuse et profane »

Démosthène, Contre Néaita, 104-106.


« Quant aux esclaves et aux métèques, ils jouissent à Athènes de la plus grande licence ; on n’y a pas le droit de les frapper et l’esclave ne se rangera pas sur votre passage. Quelle est la raison de cet usage, je vais l’expliquer. Si la loi autorisait l’homme libre à frapper l’esclave, le métèque ou l’affranchi, il lui arriverait souvent de prendre un Athénien pour un esclave et de le frapper ; car l’homme du peuple à Athènes n’est pas mieux habillé que les esclaves et les métèques et n’a pas meilleure apparence qu’eux. [...]

Voilà pourquoi nous avons accordé même aux esclaves vis-à-vis des hommes libres la même franchise de parole qu’à eux.

Nous l’avons donnée de même aux métèques vis-à-vis des citoyens, parce que l’Etat a besoin des métèques pour une foule de métiers et pour sa marine [insister sur l’importance de la marine dans la société athénienne]. C’est cela qui justifie l’égalité de parole que nous avons laissée aux métèques aussi. »

Pseudo-Xénophon, La république des Athéniens, entre - 424 et - 415.


Interrogatoire d’un accusécarteATH

« - Dis-moi, toi ; tu es métèque ?

- Oui.

- Si tu es métèque, c’est pour obéir aux lois de la cité, ou pour agir comme tu l’entends ?

- C’est pour obéir aux lois de la cité.

- Ne crois-tu donc pas mériter la mort si tu as commis un délit que les lois punissent de mort ?

- Sans doute. »

Lysias (orateur et avocat), Contre les marchands de blé : discours XXII, 5.

Pour les citoyens le respect de la loi était une véritable religion, un dogme rigide.

 

Victimes d’une injustice

A la fin d’une longue guerre contre Sparte, la dictature dite « des Trente » renverse la démocratie et s’installe à Athènes de - 404 à - 401.

L’avocat Lysias (environ - 450 à - 370) raconte ses souvenirs. Il vient d’une famille grecque sicilienne qui s’installa à Athènes.

« Mon père Képhalos, sur les instances de Périclès, vint s’établir dans ce pays [vers - 470]. Il y habita trente ans, et jamais il ne lui arriva pas plus qu’à nous [ses fils] de citer personne en justice ni d’être accusé. [...]

Théognès et Pison déclarèrent dans le Conseil des Trente que, parmi les métèques, il y en avaient d’hostiles à la Constitution. [...]

On décida d’arrêter dix métèques et, dans le groupe, deux pauvres, afin de pouvoir protester auprès du public que la mesure avait été dictée non par la cupidité, mais par l’intérêt de l’Etat. [...]

Ils se partagent donc les maisons et les voilà en route. Pour moi, ils me trouvent à table avec les hôtes ; ils les chassent et me livrent à Pison. Le reste de la bande entre dans l’atelier et dresse la liste des esclaves. [Tout son argent lui est pris].

Ce n’est pas certes ce que méritait notre dévouement à la cité : nous avions exercé toutes les chorégies [don d’argent pour la fête de Dyonisos], versé bien des eisphoraï [impôts extraordinaires en temps de guerre] ; nous nous étions montrés d’honnêtes gens, toujours aux ordres de la cité ; nous ne nous étions pas fait d’ennemis ; nous avions payé la rançon de biens des Athéniens prisonniers et c’est nous qu’ils traitèrent de la sorte, nous qui avions compris notre rôle de métèque tout autrement qu’ils ne comprenaient leurs devoirs de citoyens ».

Lysias, discours XII : Contre Eratosthène, 4 et 20.


Citoyens et métèques au coude à coude contre la dictature

Dans le port du Pirée où résident de nombreux métèques (marins, commerçants, artisans), les démocrates s’organisent contre la dictature :

« Ceux-ci qui étaient nombreux et de toute condition, se fabriquaient des boucliers en bois, les autres en brins d’osier, qu’ils teignaient en blanc. Dix jours n’étaient pas passés, qu’ils avaient garanti à ceux qui combattaient avec eux, même si c’étaient de simples étrangers, l’égalité d’impôts ».

Xénophon (philosophe), Helléniques, II, 4, 25.


L’inscription d’Evenor

« Considérant qu'Evénor, le médecin, s'est toujours montré bienveillant à l'égard du peuple, qu'il a mis son art au service des citoyens et des autres habitants de la cité et que récemment, il a donné au Trésor public un talent [monnaie] d'argent, le peuple a décidé de louer Evénor, Argien, et de lui décerner une couronne d'olivier pour prix de sa bienveillance à l'égard du peuple athénien. Il sera athénien, lui et tous ses descendants ; il pourra se faire inscrire dans la tribu, dans le dème et la phratrie [définir] qu'il voudra, conformément à la loi. Ainsi on votera sur son admission dans la prochaine réunion de l'assemblée. »

D'après le Catalogue des inscriptions épigraphiques de langue grecque,  Berlin 1877-1895

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