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lycée banlieue culture
13 décembre 2007

"Paroles" de jeunes

« paroles » d’ÉlÈves du mantois

2002

mantes

Ce genre de discours s‘entend dans les classes en difficulté scolaire ou dans les secondes, classe «d’orientation», classes d’inquiétude. Ces propos furent prononcés lors d’un débat d’éducation civique dans une seconde «faible». J’ai restitué les paroles comme je le pouvais.

Il y a-t-il une part de provocation dans leurs propos ? Exagèrent-ils ? Un peu ? Beaucoup ? Tous les immeubles du Val Fourré ne sont pas dans l’état dégradé qu’ils décrivent, loin de là. Mon compte-rendu dramatise-t-il ? N’ont-ils pas une vision fantasmée du « bled » ? Que connaissent-ils réellement de la vie quotidienne en Afrique du Nord ? Pas grand-chose. Sont-ils de vrais arabes ? Quelle est la part de vérité ou d’affabulation dans l’histoire de cette voiture qui fonce contre une cabine téléphonique ?

Que penser du travail de la police ? Un travail indispensable, difficile et héroïque. Mais certains policiers venus de province, trop jeunes ou trop fatigués, ne « pêtent-ils pas les plombs » lorsqu’ils sont provoqués ?

Il aurait fallu un magnétophone pour restituer fidèlement ces propos. Et encore.

Comme il est difficile de se faire une idée exacte !

Il va de soi que je ne reprends pas à mon compte tous leurs propos. Leur description des violences est ambiguë. La condamnent-ils ou sont-ils fascinés ? La façon dont ils parlent du Moyen Orient comporte aussi de sérieuses ambiguïtés. 

Extraits

« Les policiers contrôlent nos papiers trop souvent, sans raison. Surtout en été lorsque nous discutons dehors. C’est humiliant. C’est la cause de tout.

L’autre jour, on jouait au foot. Des jeunes faisaient un cambriolage dans l’école. Nous on les a vu sortir mais ce n’était pas nous, je vous jure. Les policiers ont quand même embarqué tout le monde. Ce sont surtout ceux de la BAC (Brigade Anti Criminalité) que nous n’aimons pas.

Un autre jour on discutait dans l’entrée de l’immeuble. Un certain M..., un peu barjo, qui cherche à frimer, à jouer au caïd, a insulté les policiers qui passaient par là. Ceux-ci ont fait le tour de l’immeuble, sont entrés par derrière et ont contrôlé tout le monde. Nous on y était pour rien.

L’autre jour, des jeunes ont volé une voiture et ils ont foncé sur une cabine téléphonique où il y avait plusieurs personnes. Une petite fille est morte. Ses frères ont ameuté leurs copains et ont fait une chasse à l’homme avec leurs guns pour se venger sur les coupables. Ceux-ci ont été massacrés. Les flics sont arrivés « des années après » !

Le marché c’est sympa. A la fin on se bat toujours avec des pierres.

Chaque fois qu’il y a un problème, on le règle comme ça. On fait appel aux voisins, aux cousins. On se venge. Comme au bled. Ca commence par une histoire entre deux personnes et quand ça finit nous sommes plusieurs dizaines, plusieurs centaines.

L’autre jour Machin a eu le crâne défoncé par une batte de base-ball. Il saignait de partout.

On fait aussi des tags sur la Palestine ; ce sont nos frères. « D’ailleurs, tout ça, c’est la faute aux feujs ( = juifs). C’est pas leur pays, la Palestine. » Ca nous concerne, ce qui se passe là-bas. Vous avez vu les incendies des synagogues ? Ca ne finira jamais...

Sans arrêt on jette des pierres sur les policiers. Pourquoi ? Pour s’amuser... C’est un jeu.

Le jour de l’An, plusieurs voitures ont brûlé. Quelqu’un avait voulu mettre le feu à une voiture, mais manque de chance les voitures d’à côté aussi ont brûlé. Les gens qui viennent pour rendre visite à leur famille n’osent plus prendre leur voiture. La Seine est pleine de voitures et de cadavres. Maintenant même les petits, ils s’y mettent aussi. Ah non ça alors, c’est quand même exagéré, à cet âge.

L’autre jour les policiers ont interpellé un dealer, c’était un hadj. Il s’est fait cogner dessus.

Les Arabes et les Noirs ne vivent pas dans des immeubles séparés. On est frères. Par contre il y a trois immeubles plus petits et plus confortables dont les loyers sont plus élevés. Il n’y a que des Français là-bas. On les appelle les anciens combattants, les campagnards. Quand on les course, ils se plaignent : attention, nous sommes cardiaques.

Dans nos immeubles, ça pue la pisse, les boites aux lettres sont arrachées et il y a beaucoup de canettes et de tags. Surtout contre les quelques Français qui habitent encore dans nos immeubles. Les pauvres, ils se font traiter de tous les noms. Ils se font insulter nommément.

Nos parents n’osent plus rien faire. Ils ont baissé les bras depuis longtemps. Ils n’osent plus nous punir, ils n’osent plus nous frapper parce qu’ils ont peur des assistantes sociales. Nous ne sommes jamais privés de dessert. Parfois ils nous menacent de déchirer nos papiers et de nous réexpédier au bled, mais ce ne sont que des menaces.

Les Français vivent tous dans le centre de Mantes, ils ne viennent jamais au Val Fourré. Pourquoi les gens ont-ils si peur de nous ? L’autre jour on était cinq dans le métro. Bon d’accord il y avait M..., c’est vrai qu’il a une sale tête et un drôle de comportement... Et bien la personne assise en face de nous, elle est partie en courant. » 

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